Acquisition des langues premières et secondes
La perspective acquisitionnelle de ce volet consiste à comparer plusieurs types de locuteurs (apprenants avec ou sans pathologie) de différentes langues (français, allemand, italien, néerlandais, langue des signes française, arabe tunisien, berbère) afin de dissocier les contraintes linguistiques et cognitives au cours de l’acquisition (typique ou atypique) de la langue maternelle (L1), de la langue seconde (L2) ou en cas de bilinguisme (2L1).
Les travaux de recherche d’Emmanuelle Canut portent sur l’étude linguistique d’interactions orales entre adulte et enfant à partir de données recueillies en situation « spontanée », narrative ou d’apprentissage (cadre familial, scolaire ou périscolaire) afin de découvrir les processus qui, dans le dialogue, président à l’appropriation de la langue française, avec une spécificité : l’appropriation du français comme langue seconde, en milieu scolaire francophone (enfants allophones). L’étude linguistique des caractéristiques linguistiques des productions de l’enfant se fait sur la base de grands corpus, en particulier sur celui qu’elle a constitué précédemment à l’Université de Lorraine (TCOF : Traitement de Corpus Oraux en Français). Emmanuelle Canut collabore, avec C. De Cat (Université de Leeds) dans le cadre du projet FLAcIS – « First Language Acquisition of the Information-Structural notions of topic and focus in French », subventionné par le Fonds de Recherche de la KULeuven et porté par Karen Lahousse. Le but de ce projet est d’étudier dans le langage de l’enfant avant 6 ans les « IS-notions » du topic et du focus et les formes syntaxiques correspondant à la dislocation (Maman, elle a fait un gâteau. Moi, je m’appelle Juliette) et aux clivées introduites par « c’est » et « il y a » (c’est maman qui arrive !). L’analyse s’appuie sur les corpus issus des bases de données CHILDES et TCOF.
Les travaux d’Efstathia Soroli proposent une description parallèle des processus d’acquisition L2/2L1 et de « re-acquisition » de la spatialité abordant les cas des locuteurs en situation de bilinguisme, d’apprentissage d’une langue seconde, et de réhabilitation (après un AVC). En collaboration avec Halima Sahraoui (Université de Toulouse), Maya Hickmann (CNRS & Université de Paris 8) et Caroll Sacchett (University College London) cette recherche comparative examine les processus de verbalisation et de (re-)conceptualisation de l’espace auprès de locuteurs sains monolingues (anglais et français), bilingues et apprenants d’une L2 (anglophones apprenants le français) ainsi qu’auprès de locuteurs souffrant d’agrammatisme (français, anglais et bilingues) en phase de réhabilitation. La méthodologie met en relation différents comportements au moyen d’une série de tâches expérimentales (production, compréhension, catégorisation) associées à des mesures de mouvements oculaires et vise à ouvrir des nouvelles perspectives dans le domaine de la réhabilitation pour une approche translinguistique/typologique en acquisition et en aphasiologie.
Martin Haiden, en collaboration avec Alfred Knapp (Univ La Rochelle), dans leur projet « Acquisition L2 », travaille sur l’automatisation d'un test de production élicitée des pronoms personnels de l'allemand. Son objectif direct est d’éliminer l'effet lié à l'expérimentateur dans les épreuves de production élicitée, mesurer la performance morpho-syntaxique des apprenants L2 de l'allemand, comparer la performance des apprenants L2 avec celle des natifs, ainsi que comparer la performance des apprenants L2 avec leurs scores dans les cours de langue. Le but indirect de cette recherche est d’arriver à une automatisation de certains examens oraux dans l'enseignement des langues.
Stéphanie Caët s’intéresse également aux interactions enfant-adulte. Dans son projet « DIAREF - développement des expressions référentielles en dialogue », en collaboration avec Anne Salazar Orvig (Sorbonne Nouvelle – Paris 3), Geneviève De Weck (Neuchatel) et Rouba Hassan (Lille 3) elle analyse l’usage des expressions référentielles par des enfants de 1;06 à 3 ans, tout-venant ou présentant un trouble spécifique du langage oral, en dialogue avec un parent ou en classe. Dans un autre projet, « Dîners en signe », financé par la Fondation Nestlé, et à partir d’enregistrements vidéos, elle étudie les interactions en Langue des Signes Française au cours de dîners familiaux et la façon dont l’usage de la LSF transforme la séquentialité du repas familial et la façon dont les enfants apprennent à gérer, avec les mêmes « outils » (leurs yeux et leurs mains), les deux activités principales du dîner: interagir en famille et manger. Une autre partie de ces travaux a pour but de valoriser l’usage de la LSF en famille, en France. Dans le cadre du projet « Signes en Famille », Stéphanie Caët en collaboration avec Aliyah Morgenstern (Sorbonne Nouvelle – Paris 3), Marion Blondel (CNRS), Marie-Thérèse l’Huillier (CNRS), Caroline Bogliotti (Paris X - Nanterre La Défense) et Isabelle Estève (Grenoble) elle a constitué un corpus de 40h d’interactions familiales et réalisé plusieurs montages vidéos qui sont régulièrement mis sur un site Internet (www.prosigne.fr) dans le but de mettre en place une base de données innovante qui permettra l’analyse linguistique de la LSF en situation d’interactions spontanées, polyadiques, avec des enfants. Dans le cadre du Programme Longlife Learning, Stephanie Caët participe au projet « SignMET -Sign Language : Methodologies and Evaluation Tools » porté en France par Aliyah Morgenstern (Sorbonne Nouvelle-Paris 3 – Laboratoire PRISMES). Il s’agit d’un projet européen qui rassemble des équipes de chercheurs en Italie (leaders du projet), en France, en Espagne et en Suisse et qui a pour but de créer des outils d’évaluation des compétences langagières en LSF d’enfants de 4 à 11 ans qui soient simples d’usage pour les professionnels de l’éducation qui interviennent auprès des enfants sourds. Une autre partie des recherches de Stéphanie Caët porte sur le développement de la latéralité manuelle chez l’enfant sourd. En collaboration avec Jacqueline Fagard (CNRS) et Dr Loundon (Hôpital Necker) elle a mis en place une étude expérimentale avec des enfants sourds de 8 à 24 mois, pour comparer le développement de la préférence manuelle chez l’enfant sourd, pour attraper des objets ou pour pointer.
L’acquisition du point de vue de la phonologie de l’anglais langue seconde fait l’objet d’étude de Kathleen O’Connor, Maarten Lemmens et Marc Capliez. Ce projet vise à étudier l'acquisition des systèmes consonantique et vocalique de l'anglais langue seconde. Les données collectées sont analysées d'un point de vue indépendant et d'un point de vue comparatif afin de construire un modèle de la phonologie chez l'apprenant. Ces modèles servent à comprendre les étapes dans l'acquisition de certains sons et le rôle de la langue maternelle dans l'acquisition de la phonologie. Ces analyses sont également employées pour évaluer les hypothèses formulées dans le cadre de la théorie de l'optimalité. La recherche menée par Maarten Lemmens et Marc Capliez, plus particulièrement, concerne une étude expérimentale sur l’acquisition de la prononciation de l’anglais par des apprenants francophones, notamment concernant les difficultés que posent les structures rythmiques de l’anglais. Dans le même cadre théorique le projet Tandem de Kathleen O’Connor concerne l'acquisition d'une deuxième langue par le biais du dispositif Tandem. Il s'inscrit dans le domaine plus large du rôle de l'autonomie dans l'apprentissage des langues. Dans un premier temps, il s'agit de comprendre les stratégies (méta-)cognitives employées par les étudiants dans le cadre d'un cours tandem. Il est également question d'étudier l'efficacité du dispositif Tandem pour l'acquisition d'une deuxième langue (voir aussi la thématique Application).
Le projet de Maarten Lemmens, en collaboration avec Julien Perrez (Univ. de Liège, Belgique) sur les verbes de posture en néerlandais L1 & L2 adopte aussi une perspective acquisitionnelle en étudiant l’usage des verbes de posture et d’autres expressions spatiales en néerlandais par des locuteurs natifs et par des apprenants. Cette recherche aborde les problèmes que les apprenants affronte pour apprendre les expressions spatiales à travers la distinction de Talmy entre langues à cadrage verbal et langues à satellites. Plus concrètement, il s’agit de l’apprentissage du néerlandais et de l’anglais (langues à satellites) par des locuteurs francophones (langue à cadrage verbal) et inversement. Cette recherche concerne les choix lexicaux ainsi que syntaxiques, les stratégies discursives et l’usage des gestes co-verbaux de ces apprenants.
Les recherches de Rim Hamdi portent également sur le domaine de la phonologie et de l’acquisition, cette fois-ci d’une L1, l’arabe. Au moyen du corpus ARABER, dont la collecte a débuté au sein du laboratoire DDL (UMR 5596) elle vise d’une part à décrire la variation dialectale de la langue arabe au niveau phonético-phonologique et rythmique, à identifier les facteurs (développementaux/linguistiques) l’influençant, et d’autre part à évaluer la distance existant entre les dialectes étudiés et la typologie dialectale par le biais d’une modélisation automatique. Elle s’intéresse, plus particulièrement, à étudier l’influence du développement phonologique et de l’input sur les premiers mots de l’enfant arabophone. Cette recherche poursuit les études actuellement en cours dans le cadre du projet ANR PREMS adoptant à la fois une analyse translinguistique, pour dégager des universaux du développement et des spécificités interlangues (anglais américain, berbère, français, arabe tunisien), et longitudinale pour mesurer le poids respectif des contraintes (articulatoires et input) en fonction du niveau linguistique de l’enfant (avant et après 50 mots).