À l’Université de Lille, des travaux de recherche en traduction et en traductologie sont menés au sein de l’ULR 4074 CECILLE (Axe 4 « Traduction et médiation ») et de l’UMR STL du CNRS (Axe transversal « Traduction »).

En septembre 2022 est lancé pour la première fois un séminaire inter-laboratoire consacré aux questions de traduction et de traductologie, avec pour objectif de rassembler les collègues travaillant sur ces questions avec différents types d’approches : littéraire, linguistique, épistémique, philosophique, philologique ou encore professionnelle. Il est organisé sous forme hybride, à la fois en présentiel sur le campus de Pont de Bois et en ligne, au rythme d’une séance par mois le vendredi midi à partir du mois d’octobre (il sera possible de déjeuner en même temps), de 12h30 à 14h, avec deux interventions au programme.

Pour la première année, il s’agit de permettre la rencontre et les échanges entre collègues des deux laboratoires : ainsi, chaque séance permettra à deux membres (1 de chaque laboratoire) de présenter ses travaux en cours. Il s’agit également, par le biais du distanciel, de donner de la visibilité aux recherches qui se font à l’Université de Lille dans toute leur diversité.

Le séminaire est coordonné par Rudy Loock (STL) et Julie Loison-Charles (CECILLE). Pour y assister à distance, les informations de connexion seront diffusées aux membres des deux laboratoires ainsi qu’aux étudiant(e)s des formations en traduction/traductologie de la Faculté des Langues, Cultures et Sociétés. Pour les personnes extérieures, il est possible de les obtenir en envoyant un message à rudy.loock[chez]univ-lille[point].fr ou à julie.charles[chez]univ-lille[point].fr.

Les séances sont organisées tout à tour dans l’un des deux laboratoires selon le planning suivant :

  • 14 octobre 2022 : STL – salle Corbin (B1.661)
    • Ronald Jenn (CECILLE) : « Les mots de la traduction »

      Cette communication présente un projet de cartographie et d'une histoire mondiale des mots de la traduction, lesquels entrent bien souvent dans cette catégorie particulière de la lexicographie que sont les loanwords ou mots d’emprunt et autres wanderwörter, davantage en mouvement que figés au plan étymologique. Ce statut interlope des mots de la traduction est justement ce qu’il s’agit d’interroger. On proposera un état de l’art, en particulier le World Atlas of Translation de Gambier et Stecconi (2019) et quelques pistes de réflexion en contournant le biais téléologique qui consiste à revisiter les mots de la traduction à la lumière de l’idée que la traductologie s’en fait aujourd’hui, laquelle est largement héritée d’une Renaissance européenne qui a façonné, par nécessité et par choix, à partir d’une sélection de traits particuliers, le concept de traduction.

    • Rudy Loock (STL), Sophie Léchauguette (CECILLE), Benjamin Holt (STL) : « L’utilisation des traducteurs en ligne par les étudiant(e)s en langues étrangères appliquées : retour sur expérience »

      Nous présenterons notre travail de recherche sur l’utilisation des outils de traduction automatique accessibles gratuitement en ligne (p. ex. Google Traduction, DeepL) par les étudiant(e)s de troisième année de licence LEA. Nous présenterons les résultats d’expériences menées depuis 2020 afin de détailler leur utilisation de ces outils ainsi que de leur aptitude à les utiliser de façon efficace et raisonnée. Nous expliquerons la façon dont nous avons adapté les cours de traduction anglais-français afin de développer la « Machine Translation literacy » de nos étudiant(e)s pour reprendre le terme popularisé par Bowker & Buitrago Ciro (2019), compétence qui nous semble désormais nécessaire pour tout(e) étudiant(e) en langues, quel que soit son projet professionnel, tant l’usage de ces outils est répandu.

  • 18 novembre 2022 : CECILLE – salle B0.619
    • Pierpaolo Amenta (CECILLE) : « Pour une étude de l’hétérolinguisme et de la phraséologie transculturelle en traduction : Elisa Chimenti, Driss Chraïbi et Mahi Binebine »

      Ma recherche puise dans plusieurs disciplines, plus particulièrement dans la littérature comparée dite différentielle, dans la traductologie, dans la phraséologie et dans la sociolinguistique du contact. Cette approche transdisciplinaire permet de mettre en évidence les modalités par lesquelles, en traduction, l'hétérolinguisme et le contact de langues et cultures engendrent un enrichissement linguistique et culturel dans l'idiome d'accueil.

      L'objet de cette étude est un corpus portant sur l'écriture d'écrivain.e.s d'expression française ayant vécus principalement au Maroc : Elisa Chimenti (1883-1969), Driss Chraïbi (1926-2007) et Mahi Binebine (1959- ). Il s'agira, de ce fait, de sonder, à l’aide de la comparaison, la manière dont les passages hétérolingues ont été textualisés et, ensuite, traduits en italien, en espagnol et en anglais, tout en accordant une attention particulière aux phraséologismes transculturels.

    • Bert Cappelle (STL), Samantha Laporte (STL) : « La langue traduite et la langue d’apprenant : deux facettes d’une même pièce ? »

      Notre intervention tente de montrer que, tant d’un point de vue théorique que pédagogique, la langue traduite et la langue d’apprenant peuvent être perçus comme deux facettes d’une même pièce. D’un point de vue théorique, nous ancrons notre approche dans le cadre de “constrained communication” (Kotze, 2022), qui souligne le fait qu’il s’agit de variétés de langue produites (entre autres) sous la contrainte de contact entre langues. Concrètement, cela se traduit par une influence de la langue maternelle sur la langue cible dans le cas de la langue d’apprenant, et d’une influence de la langue source dans le cas de la langue traduite. D'un point de vue pédagogique, cela suggère que des étudiant.e.s qui étudient à la fois une langue étrangère et la traduction de cette langue dans leur langue maternelle doivent éviter ces deux sources d’influence cross-linguistique. Nous présentons une étude de cas sur la structure passive avec extraposition de complétive en anglais et français (it is said/reported/suggested that ; il est dit/précisé/rappelé que) qui démontre dans un premier temps, par une étude contrastive sur corpus, que ces constructions ne sont pas entièrement équivalentes dans leur fréquence et leur phraséologie, et ensuite que ces différences impactent la langue traduite et la langue d’apprenant. Nous dégageons enfin quelques pistes sur la façon dont la linguistique contrastive de corpus pourrait être mise à profit pédagogiquement afin d’aider les étudiants à surmonter les deux types d’influence d’une pierre deux coups.
      Notez que cette intervention se tiendra en anglais.

  • 9 décembre 2022 : En ligne uniquement
    • Peggy Lecaudé (STL) : « Traduire ou ne pas traduire « mot pour mot » (verbum pro verbo) : la position de Cicéron à travers sa traduction du grec πάθος (pathos) »

      Cicéron est souvent considéré comme le premier théoricien de la traduction et se trouve ainsi mis à l’honneur dans le titre de l’ouvrage de M. Ballard De Cicéron à Benjamin paru en 1992 aux Presses Universitaires de Lille. Dans cette communication, nous souhaitons revenir précisément sur l’expression verbum pro verbo (ou e verbo), fort célèbre chez les traducteurs-trices, qu’il emploie notamment dans le texte qui, selon M. Ballard, « constitue sans doute l’un des premiers écrits théoriques sur la traduction » et qui « est en tout cas le plus ancien et le plus connu », De optimo genere oratorum 14. Nous nous interrogerons sur le sens de cette locution en étudiant en particulier le cas de la traduction cicéronienne du grec πάθος (pathos), sur laquelle l’auteur romain revient à plusieurs reprises.

    • Maria Hellerstedt (CECILLE) : « Le pronom français on et ses traductions en suédois »

      Dans cette présentation, je vais vous parler du pronom on français et ses équivalences dans des traductions suédoises. D'abord, je tenterai de dresser un inventaire de l'emploi du pronom en français, afin de comprendre ses usages et ses fonctions. Ensuite, à partir d'un corpus littéraire, je vous présenterai les solutions proposées par les traducteurs des romans français vers le suédois. Il s'agit d'un corpus établi à partir de la traduction de cinq romans contemporains (Houellebecq x 2, Simenon, Nothomb et Modiano), dans lesquels j'ai trouvé 248 occurrences du pronom on et ses traductions suédoises. Parmi celles-ci, le pronom français est surtout rendu par le pronom équivalent man, mais on trouve également notamment des formes passives, ou l'usage d'autres pronoms personnels. Une spécificité dans notre corpus traduit est le phénomène d'inversion de la relation, où le sujet on disparaît et le complément d'objet direct devient le sujet, surtout en combinaison avec des verbes de perception, sans qu'il s'agisse d'une structure passive.
      Dans cette communication, je ferai un état des lieux de ces traductions, en essayant de creuser du côté de cette spécificité concernant les verbes de perception.

  • 13 janvier 2023 : CECILLE – salle B0.619
    • Julie Loison-Charles (CECILLE) : « Dans l’ombre des adaptateur.ices : les autres métiers de la traduction audiovisuelle »

      Les mots français employés au sein de l’anglais sont épineux à traduire vers le français : comment garder ce petit « je ne sais quoi », cette touche française quand la langue cible est la même que la langue étrangère insérée en VO ? L’étude de mon corpus (plusieurs dizaines de séries contemporaines) a révélé que, face à ce que certains appelleraient « un intraduisible », les adaptateur.ices font preuve d’une grande créativité, mais aussi que la difficulté met en tension la traduction au point de faire apparaître les autres intervenant.es sur la chaîne de traduction. Je montrerai ainsi des extraits (VO et VF) où l’on voit le rôle crucial de plusieurs métiers, et j’irai de l’amont à l’aval de la traduction : je montrerai le rôle des directeur.ices artistiques (The Handmaid’s Tale, Unorthodox) ou des donneurs d’ordre comme Netflix (Emily in Paris), mais aussi celui des détecteurs ou détectrices (Buffy the Vampire Slayer, Orphan Black) ; en aval de la traduction, je soulignerai l’importance de la postsynchronisation (The Good Place) et de l’ingénieur du son, dont le rôle apparaît dans certains cas retors puisque le volume de certaines répliques peut être modifié pour permettre des explicitations (Gilmore Girls).
       
    • Henry Hernandez-Bayter (STL) : « Les enjeux de la traduction des discours politiques »

      L'objectif principal de cette intervention est de comprendre les enjeux de la traduction des textes issus de la sphère politique, en particulier les discours prononcés par les chefs d'État et l'idéologie qu'ils tentent de véhiculer. Nous accorderons une attention particulière aux traductions de discours prononcés par différents locuteurs politiques en fonction d'une situation de communication particulière. Ainsi, notre corpus de travail sera composé de discours prononcés dans la langue originale et de leur(s) traduction(s).
      Afin d'explorer ces textes et traductions, nous utiliserons deux logiciels de lexicométrie et d'alignement des textes : Lexico 5 et Mkalign. Nous tenterons d'identifier et d'analyser l'utilisation de certaines manifestations linguistiques et de leurs traductions. De cette façon, nous cherchons à explorer la traduction de ces productions verbales et la traduction des différentes stratégies discursives qu'elles véhiculent. De plus, nous nous intéressons à la place de la traduction dans la diffusion spécifique de ces stratégies et d'une idéologie donnée.
      Sur le plan théorique, nous nous appuierons sur des études d'analyse du discours menées en France et sur des études de traduction de textes politiques.
       
  • 10 mars 2023 : CECILLE – salle B0.619
    • Valentin Decloquement (STL) : « Vers une traduction littéraire en langue française de la Vie d’Apollonios de Tyane de Philostrate (Φιλοστράτου Εἰς τὸν Τυανέα Ἀπολλώνιον) »

      Dans cette communication, je présenterai ma traduction française, bientôt achevée, de la Vie d’Apollonios de Tyane de Philostrate. Ce texte grec, composé au IIIe siècle de notre ère, est un long récit de voyage en prose (plus de 80.000 mots), relatant les péripéties d’un philosophe pythagoricien accusé de sorcellerie sous l’empire romain. À partir de mon expérience personnelle en tant que traducteur littéraire, j’exposerai divers problèmes rencontrés tout au long de ce parcours, ainsi que les solutions que j’ai tâché d’y apporter – non sans en négliger les limites. Dans une perspective sociolittéraire, comment restituer dans la langue cible le style tantôt archaïsant, tantôt oralisant d’une œuvre composée dans un contexte de diglossie (atticisme versus koinè) ? Sur un plan poétique, quelle stratégie de traduction adopter lorsque l’auteur du texte cible joue avec sa propre langue (anacoluthes, néologismes, effets rythmiques, homéotéleutes, jeux de mot) ? Quelle ampleur donner aux notes de bas de page face à l’intraduisible (concepts spécifiques au grec ancien, intertextes, référents culturels), sachant que traduire une langue ancienne dans une langue moderne est par nature anachronique ?

    • Mylène Lacroix (CECILLE) : « Le sens multiple en traduction : le cas-limite du Sonnet 135 »

      L’écriture poétique, par essence, est un langage multiple bien souvent qualifié d’intraduisible. « Peut-on traduire un poème ? Non », répond le poète Yves Bonnefoy. Déclarée impossible, la traduction de la poésie est pourtant désirable, et d’ailleurs très souvent pratiquée. Bonnefoy lui-même a traduit les Sonnets de Shakespeare, objets de la présente étude, pour lesquels on répertorie pas moins de soixante-dix traductions, dont une quarantaine sont intégrales. Naturellement, les réflexions traductologiques autour de la poésie, et en particulier des Sonnets, tendent à se concentrer sur des questions formelles : le choix de la métrique, le maintien ou non de la rime, la recherche du rythme, le rendu des sonorités. Mais la polysémie et les ambiguïtés du langage poétique sont également au centre des préoccupations des traducteurs, conscients du foisonnement et de l’infinie richesse du verbe shakespearien.

      C’est un autre aspect du langage multiple des Sonnets que je souhaiterais aborder ici. Dans son ouvrage intitulé Shakespeare pornographe. Un théâtre à double fond, le traducteur Jean-Pierre Richard a brillamment démontré que Shakespeare « a cultivé systématiquement une double entente saturée d’obscénité, qui va bien au-delà de la trouvaille ponctuelle, dans le cadre d’une véritable stratégie dramaturgique de l’équivoque ». Toutes ses pièces reposeraient ainsi constamment sur un double discours émaillé de jeux de mots salaces et de double (voire triple) entendre. L’œuvre poétique de Shakespeare est elle aussi fondée sur une pornographie sous-jacente, plus ou moins latente, et il s’agira ici de montrer que les Sonnets n’échappent pas à cette stratification de sens permanente. Le sonnet 135, pour ne citer que lui, représente par exemple un véritable défi pour le traducteur dans la mesure où il repose entièrement sur l’équivoque et ne cesse de jouer sur le mot will/Will et ses différents sens (prénom masculin, mais aussi « volonté », « désir sexuel », ou encore « sexe masculin » ou « sexe féminin »), tour à tour et parfois même simultanément. À travers l’analyse de quelques sonnets et l’étude comparative de plusieurs de leurs traductions, il s’agira ainsi de mettre au jour le « substrat pornographique » de ces textes et d’examiner quelle part font les traducteurs aux différentes strates de sens du « millefeuille » qu’est le sonnet shakespearien.

  • 7 avril 2023 : STL – salle Corbin (B1.661)
    • Claire Hélie (CECILLE) : « Traduire The Gut Girls (1989) de Sarah Daniels – traduire ensemble pour la scène »

      Cette communication portera sur la traduction de The Gut Girls, une pièce de théâtre britannique de 1989 de la Britannique Sarah Daniels, dramaturge dont les pièces des années 70-80 ont fait scandale : qu’elles mettent en scène la maternité chez les lesbiennes, qu’elles traitent de l’incidence des snuff films sur le tissu social, ou qu’elles traitent des prisonnières en hôpital psychiatrique, les pièces mettent en scène la condition féminine dans la société patriarcale. The Gut Girls parle des ouvrières qui travaillaient dans les abattoirs au début du siècle, jusqu’à ce que celles-ci soient forcées à la reconversion par l’avènement de nouveaux modes de conservation – la redistribution du marché de la viande à l’arrivée des frigos les remet elles aussi sur un marché de l’emploi synonyme d’exploitation.

      Nous sommes six femmes universitaires à collaborer sur cette traduction. Nous avons travaillé ensemble sur la traduction de The Lifeblood de Glyn Maxwell, projet de recherche-création qui a mené à plusieurs lectures publiques. Nouveau texte, nouvelle configuration, nouvelle méthodologie pour cette traduction collective. Je voudrais dans un premier temps en exposer le fonctionnement collaboratif. Puis je souhaiterais partager quelques défis de traduction que nous avons rencontrés jusqu’ici : les jeux de mots et notamment les jeux de mots sexuels, le sens et les sons du sociolecte, la langue des abattoirs entre technolecte et gore. Enfin, je souhaiterais exposer en quoi le fait de traduire pour la scène diffère d’une traduction pour l’édition.

    • Anne de Crémoux (STL) : « Traduire une langue d’art : le cas des injures et des surnoms dans la comédie grecque classique (425-320 avant notre ère). »

      La traduction de la comédie grecque ancienne et moyenne, dont la langue artistique était conçue pour des représentations dramatiques uniques, soulève des problématiques particulières. Certaines ont déjà été évoquées lors de la séance précédente du séminaire : les poètes comiques parodient, voire inventent des dialectes et faits de langue qui ne sont pas documentés par ailleurs ; l’éloignement temporel crée d’autant plus d’intraduisible (sur ces points, cf. la communication de V. Decloquement) ; d’autre part, leurs textes sont truffés de jeux de mots et de double-sens souvent obscènes, ou plutôt, pour le dire autrement, (presque) tout, chez un poète comme Aristophane, peut être considéré comme obscène, comme le notait J. Henderson dans son ouvrage fondamental sur ce point, The Maculate Muse (cf. la communication de M. Lacroix).
      Dans cette séance, je m’attacherai à un cas de figure particulièrement intéressant, celui des injures et des surnoms (la frontière entre ces deux catégories étant parfois fragile). Comment reproduire l’acte de discours que constitue sur scène une injure directe à quelqu’un qui assistait sans doute à la représentation, avec toutes les implications que la question comporte sur l’effet, plus ou moins agressif, du spectacle ? Comment identifier le niveau de langue de cet attique ancien dont nous n’avons que des corpus réduits ? Sur un plan poétique, comment rendre compte des jeux de langage, et en particulier des métaphores, néologismes ou revivifications que représentent les surnoms et injures ? Les cas analysés seront en particulier tirés d’Aristophane pour la comédie ancienne, et, pour la comédie moyenne, d’Antiphane et Timoclès.

  • 12 mai 2023 : CECILLE – salle B0.619
    • Tatiana Milliaressi (CECILLE) : « La traduction épistémique et la typologie des langues »

      L’intervention sera consacrée à la traduction épistémique qui transmet des savoirs et dont la traduction en sciences humaines fait partie. Ce troisième type de traduction (à côté de la traduction littéraire et de la traduction spécialisée) privilégie la voie cognitive de la transmission de l'information où l'argumentation est conditionnée par la typologie des langues. Plusieurs traductions en sciences humaines ne tiennent pas compte de cette spécificité. C’est pourquoi, j’essayerai, dans un premier temps, de mettre en évidence la différence de la structure argumentative des langues de types différents et ensuite de réfléchir sur la pertinence et les limites de son adaptation.

    • Ping-Hsueh Chen (STL) : « Les constructions françaises Verbe causatif + Nom et leurs traductions en chinois »

      L’objectif de cette communication est de présenter les constructions Verbe causatif + Nom et leurs traductions en chinois repérées dans les textes institutionnels de l’Organisation des Nations Unies. En effet, il est intéressant de contraster le français avec une langue distante comme le chinois dans le but de comparer les moyens d’expression de la causalité. Par ailleurs, les collocations lexicales définies comme des associations (semi-)figées et sémantiquement compositionnelles (Tutin, 2013) sont fréquentes en langue de spécialité et constituent souvent des déficits persistants pour les apprenants (Bak Sienkiewicz, 2016).
      D’un point de vue méthodologique, une liste de verbes causatifs français a été établie au préalable à partir de travaux antérieurs sur la causalité (Gross et al., 2009 ; Diwersy & François, 2011, entre autres). Vu la taille importante du corpus utilisé, le seuil de fréquence a été fixé à 1000 occurrences. Nous avons obtenu par la suite une liste de 32 verbes causatifs français à étudier.
      À l’issue de l’étude contrastive, nous proposons un éventail des équivalents traductionnels et fonctionnels chinois des constructions françaises Verbe causatif + Nom. Cet éventail permet de mieux appréhender comment ces constructions sont traduites en chinois.

  • 9 juin 2023 : STL – salle Corbin (B1.661)

    • Annie Risler (STL) : « Effets de la traduction sur la terminologie linguistique en LSF »

      La Langue des signes a débord été décrite par des chercheurs entendants, et en français. Le développement de la formation universitaire des professeurs de LSF a amené à établir des équivalents de traduction de cette terminologie en français, à partir d’un travail conjoint entre linguistes et enseignants de LSF. L’enseignement se faisait d’abord par le biais d’un interprète, qui traduisait le discours français de l’enseignant vers la LSF. L’enseignement de linguistique LSF a progressivement été délivré directement en LSF à l’université Paris 8, mais par des linguistes qui développent leurs recherches en français et dont la LSF est une langue seconde.

      Dans les années 2000 de nouveaux signes ont émergé lors de ces cours dans le discours des apprenants qui ont été jugés ‘plus appropriés’ et ont remplacé les signes initiaux. Ce changement radical terminologique en LSF s’est rapidement diffusé en dehors de l’université Le remplacement pur et simple des termes en LSF pose question. Je propose de revenir sur ce phénomène, qui illustre les illusions de l’équivalence terminologique entre le français et la LSF.
       
    • Thibaut LOÏEZ (CECILLE) : « Traduire l’autisme non-verbal : le cas de The Reason I Jump (2013), de Naoki Higashida, David Mitchell et Keiko Yoshida »

      La traduction d’auteur en situation de handicap peut parfois être à l’origine de nombreuses controverses sur la (ou l’im)possibilité même d’une communication lorsque cet auteur se trouve être atteint d’une forme d’autisme non-verbal.

      Cette recherche sera consacrée aux considérations éthiques autour de The Reason I Jump, écrit japonais de Naoki Higashida, adolescent autiste et traduit en 2013 en anglais par David Mitchell et Keiko Yoshida. Les débats autour de l’œuvre et de sa traduction concernent l’origine de l’écrit: beaucoup de critiques l’accusent d’être le résultat d’un cas de “communication facilitée”, méthode frauduleuse où un intermédiaire “aide” une personne autiste à écrire, et où a donc déjà lieu une première “traduction” orientée de la part du facilitateur. En second lieu, le contenu-même de l’ouvrage est remis en question: l’auteur non-verbal de The Reason I Jump fait preuve d’une vie émotionnelle riche et révèle une empathie insoupçonnée, à rebours des idées préconçues sur l’autisme. Cet élément à l’encontre de la doxa a été source de suspicions quant à l’authenticité des écrits de Naoki.

      Notre étude observe les deux versants du débat, notamment les réponses offertes par son traducteur anglais David Mitchell ainsi que le point de vue d’autres spécialistes de l’autisme ou de personnes autistes sur ce livre. S’y ajouteront des considérations sur la potentielle censure infligée aux publics dits “vulnérables”: en arguant que les individus neurodivergents ne peuvent être capable d’exprimer ce type d’émotions, sommes-nous en train de leur retirer toute forme de vecteur de communication (déjà fort limitée)?

      Cette étude sera l’occasion de revenir sur l’éthique du traducteur, son invisibilité et impartialité parfois impossible à tenir, et sur l’objectif de toute entreprise de traduction. Pourquoi traduire, si ce n’est pour permettre la communication entre les esprits, ici entre publics neurotypiques et publics neurodivergents ?