Séminaire Philostrate
Dialogues et dialogisme dans le corpus de Philostrate
Le dialogue est un objet de recherches étudié et questionné à travers les différents champs du laboratoire STL. S’il peut être envisagé comme genre à part entière, aussi bien dans un cadre philosophique (par exemple, le Théétète) que dans une approche philologique / littéraire, il peut également être compris, au-delà des questions de généricité, comme un mode discursif qui fait partie intégrante d’une oeuvre (le dialogue théâtral, romanesque…). Enfin, le dialogue peut être défini comme la relation, dite de dialogisme, qu’un narrateur, voire un auteur, engage avec son lectorat qui participe ainsi de manière active à la construction du sens.
Dans la continuité du séminaire « Sophia, Sophistike et Philosophia dans le corpus de Philostrate » (soit trois séances de deux heures durant l’année académique 2019-2020 avant d’être interrompu par la crise sanitaire actuelle), l’objectif de ce nouveau séminaire est d’étudier les différents avatars et les différentes modalités du dialogue et du dialogisme dans les textes de Philostrate, sophiste grec actif dans la première moitié du IIIe siècle apr. J.-C. Le caractère polymorphe de son corpus sera l’occasion d’échanger avec des spécialistes venus d’autres laboratoires et issus d’autres traditions universitaires. Il comprendra :
- Des textes qui appartiennent au genre du dialogue proprement dit et qui ne mettent pas en scène un narrateur externe : l’Heroikos, un échange entre un vigneron et un Phénicien anonymes à propos des héros de la Guerre de Troie ; le Néron, une discussion entre deux individus singularisés par leur nom (Mousonios et Ménécrate) juste avant la mort de Néron en 68 apr. J.-C.
- Des œuvres narratives dont les parties dialoguées participent de la caractérisation des personnages : notamment la Vie d’Apollonios de Tyane qui s’inscrit dans la tradition des dialogues socratiques pour rivaliser avec elle ; mais aussi, plus ponctuellement, les Vies des sophistes.
- Des textes dont le narrateur s’adresse à des destinataires silencieux : les Images, où un sophiste non nommé décrit des tableaux à un enfant ou à un groupe d’enfants ; les Lettres érotiques, où un, voire plusieurs narrateurs s’adressent à des jeunes gens et / ou à des femmes dans l’intention de les séduire ; mais aussi les parties narratives de la Vie d’Apollonios et des Vies des sophistes, adressées, sur le ton de la conversation (la lalia en grec), à des mécènes si ce n’est directement à leur public. Bien que ces différents textes et extraits prennent la forme de monologues auxquels personne ne répond dans l’espace intradiégétique, ils semblent inviter leur lectorat à s’imaginer quelle réaction ils pourraient susciter, au sein même de l’œuvre mais peut-être au-delà.
Chacun de ces textes fera l’objet de présentations et de discussions réparties sur plusieurs séances de deux heures où nous nous attacherons à examiner deux séries de problématiques étroitement liées :
- Peut-on observer des différences entre les dialogues en tant que genre, les parties dialoguées des œuvres narratives et les discours adressés par un narrateur à ses destinataires, qu’ils soient intra- ou extradiégétiques ? Les personnages, en incluant la figure du narrateur, ont-ils une manière de parler qui leur serait spécifique et qui se soumettrait à des variations selon une situation discursive donnée ?
- Dans quelle mesure et jusqu’à quel degré d’immersion le public est-il lui-même invité à vivre son expérience de lecture en tant que destinataire possible du texte ? Par exemple, quel rôle l’usage récurrent de la deuxième personne du singulier, dans les dialogues tout comme dans les narrations et les monologues, joue-t-il dans l’immersion fictionnelle ? En quoi l’esprit critique que le lectorat reste libre d’exercer sur le texte peut-il aussi l’amener à se distancier des destinataires intradiégétiques ?