Disciplines, disciplinaire, (dé)disciplinarisation

Séminaire
Université de Lille - Pont de bois - maison de la recherche - salle F0.13

Séminaire doctoral 3D
« Disciplines, disciplinaire, (dé)disciplinarisation »
Deuxième session sous le titre : « Par-delà les disciplines ? Penser les interactions entre dispositifs et curriculum »
19 juin 2024 – 09h30 - 17h30
Campus Pont de bois, maison de la recherche, salle F0.13, Université de Lille
Responsables scientifiques: Jean-François CONDETTE, Jean-François GOUBET, Stephan MIERZEJEWSKI, Abdelkarim ZAID
Contact : abdelkarim.zaid@univ-lille.fr
Inscription libre – Participation possible à distance via le lien: https://univ-lille-fr.zoom.us/j/95660379604?pwd=bkVOWUZBRG1KNE4vRFF0VU1DdGV4dz09 ID de réunion : 956 6037 9604 – Code secret : 798132

Programme
9h30-10h :
 Ouverture et présentation des participants. Abdelkarim ZAID et Stéphan MIERZEJEWSKI
10h-10h45 :
 1ère intervention : « Des disciplines aux exercices, et retour, en passant par les dispositifs. Un chemin en chantier », par Anne BARRERE, professeure des universités, Université de Paris Cité.
10h45-11h00 :
Pause
11h00-12h00 :
 Discussion 1 : Cédric FLUCKIGER, professeur des universités, Université de Lille
 Discussion avec les participants
12h00-13h45 :
Pause midi
13h45-15h15 :
 2e intervention : « Quand le récit permet de penser l'espace : la carte comme objet complexe pour rendre compte d'une mise en ordre du monde », par Sylvie Considère, maitre de conférences HDR, Université de Lille
 Discussion 2 : Catherine BOYER, maitre de conférences, Université de Lille
15h15-15h35 :
Pause
15h35-16h45 :
 3e intervention : « Actualisation en classe de la forme disciplinaire des SVT et production potentielle d’inégalités scolaires », par Marion VAN BREDERODE, Chargée d’enseignement, équipe Affordens, Université de Genève
 Discussion 3 et synthèse : Claire DELPORTE et Laurence VILLEMANS, doctorantes CIREL, Université de Lille

Propos général du séminaire
Dans un monde en mutations profondes et rapides (climatiques, sociales, économiques,
technologiques, etc.), l’Ecole, et plus généralement les institutions d’éducation et de formation, sont
systématiquement investies de la mission d’opérateur du changement social requis ou attendu.
Paradoxalement, ces mêmes institutions sont souvent perçues (voire décriées) comme incapables
d’adapter les modalités de transmission des savoirs de référence, des attitudes et des croyances qui
les soutiennent. Comme le remarquent Champy et Gauthier (2022), le mode historique de découpage
des savoirs constitués en disciplines demeure très largement impensé dans ses incidences sur les
échelles de valeurs censées être partagées en société et qui en constituent le socle (privilégiant
notamment les capacités d’abstraction vs les savoirs « pratiques »). C’est en ce sens que le séminaire
« 3D » se donne pour objet d’interroger les implications de la notion de « discipline » selon les trois
grandes acceptions qu’elle revêt dans les travaux d’orientations didactiques, linguistique,
philosophique, clinique, anthropologique, sociologique, politiste et historique développés par
différents chercheurs et chercheuses des équipes CIREL, STL et IRHIS. Appuyé sur un état/bilan critique
des avancées conceptuelles autant qu’empiriques d’ores et déjà réalisées, l’objectif de ce croisement
de regards est d’éprouver l’assise épistémologique de chacune des orientations et, ce faisant, d’ouvrir
à de nouveaux questionnements inter disciplinaires partagés.
L’interrogation de la notion de discipline bénéficie d’une certaine antériorité au sein du CIREL (et de
l’équipe Theodile en particulier), du fait de la prégnance de l’articulation des didactiques à leurs
disciplines d’adossement. Articulation qui a conduit à des travaux portant aussi bien sur la notion de
discipline elle-même, que sur la relation des didactiques aux disciplines considérées. Plusieurs essais
de clarification et de cadrage théorique ont été entrepris et ont contribué à penser les disciplines en
tant que matrices scolaires « organisant un ensemble de contenus, de dispositifs, de pratiques,
d’outils… articulés à des finalités éducatives, en vue de leur enseignement et de leur apprentissage à
l’école. » (Reuter, 2013, p.81). Ces travaux ont alors conduit à distinguer des composantes
structurelles, des visées, des fonctionnements institutionnels, des relations aux espaces « externes »
à l’école, etc. (Reuter et Lahanier-Reuter, 2004/2007). Ou encore à souligner la solidarité à double sens
entre la discipline enseignée et la didactique qui la pense (Daunay, 2010). L’intérêt pour le statut des
disciplines, les découpages curriculaires qu’elles promeuvent et les pratiques
d’enseignement/apprentissage qu’elles recouvrent est renouvelé par toute une série de réformes et
d’évolutions qui prétendent répondre aux enjeux sociétaux du temps par l’institution de curriculums
orientés par les compétences. L’avènement du socle commun est à ce titre exemplaire, en ce qu’il
réinterroge la relation entre contenus d’enseignement et disciplines scolaires (la compétence est
première et plusieurs disciplines sont censées contribuer à sa construction) : les curriculums doiventils
s'organiser selon les modes de fonctionnement des disciplines scolaires recomposées ou selon un
ensemble de situations dont la somme couvrirait suffisamment de variétés (Audigier, 2012) ? Il n’y a,
de fait, pas que les disciplines qui organisent « l’enseignable » à l’école. D’autres modalités ou
dispositifs sont présents : « les disciplines ne sont qu’une des formes, d’ailleurs très diversifiées que
prend le curriculum scolaire » (Martinand, 2014). Martinand note en effet que les didactiques des
disciplines tendent à durcir les enseignements disciplinaires, au risque de « disciplinariser » les
UMR 8529 - CNRS ULR 4354 UMR 8163 - CNRS
matières et dispositifs plutôt que de contribuer à donner aux enseignants et partenaires plus de
ressources et de marge d’initiative dans la construction curriculaire et l’étayage des apprentissages.
Ces autres formes, sont-elles toutes exemptes de contenu et ne peuvent-elles être le cadre/supports
d’apprentissages bien spécifiés ? Quelles en sont les fonctions éducatives et formatives réelles et quels
sont les savoirs (formels ou informels/explicites ou implicites) mis en jeu ? Ce sont là des questions
majeures tant pour saisir les évolutions scolaires contemporaines, que pour penser les didactiques. Il
y a, dans cette première acception des disciplines comme matières/formes curriculaires évolutives
solidaires de pratiques/procédures d’enseignement/apprentissages elles-mêmes variables, de vrais
enjeux éducatifs et formatifs, mais aussi politiques, à la jonction desquels se croisent les différents
types de regards mentionnés en entame.
La seconde acception de la notion de discipline prise en charge dans le cadre de cet axe transversal a
trait à l’empreinte disciplinaire exercée sur les individus par les environnements et groupements
sociaux dont ils participent. De la discipline kantienne comme principe de coercition en vertu duquel
des normes primitivement extérieures peuvent s’imposer aux consciences, à la problématique du
pouvoir/dressage disciplinaire foucaldien et jusqu’au modèle de l’incorporation bourdieusien : c’est
toujours le problème des effets de formation, d’apprentissage, de socialisation et/ou de contrainte
inhérents à des rapports de domination, des contextes d’interaction, des dispositifs institutionnels, des
régimes discursifs, etc., capables d’exercer une action disciplinante, qui est soulevé. L’avènement des
« sociétés des individus » que sont les sociétés occidentales (Deschavanne et Tavoillot, 2007/2011 ;
Dumont, 1983/1985 ; Elias, 1991 ; Gauchet, 2017, 2020 ; Renaut, 1989 ; Roman, 1998) reproblématise
en profondeur la question de l’exercice des rapports de force, d’autorité, de pouvoir et de
transmission. Ceux-ci s’exercent dans des espaces éducatifs (au sens le plus large) où l’intégration des
normes morales et sociales est désormais indexée sur une injonction paradoxale à l’autonomie
(Ricoeur, 2001) qui resserre son emprise sur des individus « sur-responsabilisés » (Soulet, 2005) … mais
confrontés à des niveaux d’exigences procédurales (Astier 2007) et temporelles (Rosa, 2010 ; Dubar,
2014) qui pèsent toujours plus fort sur les marges d’action. Sans céder au vertige postmoderne (voire
hypermoderne) des capacités illimitées de subjectivation et de « l’entreprise permanente de soi »
(Giddens, 1987), il y a lieu de se demander si ces formes contemporaines de gouvernement des corps
et des esprits constituent des substituts à et/ou relèvent de la métamorphose du paradigme
disciplinaire et des principes de domination classiques ? La satisfaction des injonctions du temps et la
résolution des dilemmes auxquelles elles exposent, supposent la mobilisation de ressources réflexives
et planificatrices, ainsi que des capacités d’auto-contrainte qui demeurent très inégalement
distribuées socialement parlant. Être dépourvu de ces ressources et capacités expose, a contrario, au
risque de la désaffiliation dans des sociétés où les protections sociales s’érodent (Castel, 2003).
Différents travaux menés par des chercheurs des trois équipes investissent, là encore, les enjeux
formatifs, émancipateurs, sanitaires, juridiques et éthiques des réarrangements disciplinaires en cours
sous cette seconde acception complémentaire.
La troisième acception de la notion de discipline examinée dans le cadre de ce séminaire se situe
précisément à cette articulation entre sociohistoires du découpage des savoirs, des champs
intellectuels, des principes de hiérarchisation et des modes de socialisation attachés à des
groupements et des territoires institutionnels qui donnent lieu à des processus de
(dé)disciplinarisation, et histoire et philosophie des sciences et des disciplines centrées sur les
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ressources cognitives et logiques investies dans les entreprises de (dé)légitimation disciplinaires
considérées.
Pour approfondir les incidences de ces trois états interdépendants du disciplinaire et encourager leurs
articulations, les organisateurs et organisatrices du séminaire se proposent de réunir des spécialistes
français et étrangers de ces questions pour croiser les analyses, débattre des acquis de la recherche,
dégager des perspectives complémentaires et ainsi directement nourrir les travaux des chercheurs,
chercheuses, doctorants et doctorantes des trois équipes partenaires. Le croisement et la
complémentarité des points de vue s’entendent ici aussi bien sous le regard des contextes éducatifs
et formatifs envisagés ; que du point de vue des éclairages disciplinaires mobilisés (sociologie, sciences
de l’éducation, didactique, histoire, sciences politiques, philosophie, linguistique, droit…). Un soin
pédagogique tout particulier sera apporté à la sollicitation des doctorant.e.s comme discutant.e.s puis
contributeurs/contributrices à chaque séance de séminaire.
Tout en s’inscrivant au coeur du programme scientifique du CIREL (ULR 4354) centré sur les
transformations en éducation et formation et au carrefour des travaux d’histoire et de philosophie de
l’éducation, des enseignements et des apprentissages développés au sein des laboratoires IRHiS (UMR
8529) et STL (UMR 8163), les questions soulevées par le séminaire entendent appuyer les visées
d’interdisciplinarité et la réflexion sur les transitions éducatives (corollaires de la transition écologique
et sociale) promues par l’Université de Lille au titre du HUB 4 : « cultures, sociétés et pratiques en
mutation ».


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