Les thématiques

Responsable : Anne de Crémoux

Le premier ensemble de projets s’articule autour de la rhétorique et d’une réflexion sur ses liens avec la philosophie.
Le séminaire PRIT (Philosophie et rhétorique à l’époque impériale et tardive), se poursuivra en collaboration avec plusieurs enseignants-chercheurs de l'UMR HALMA. Dans ce cadre, il s'agira d'examiner la manière dont les auteurs grecs et latins des périodes hellénistique, impériale et tardive ont posé de manière nouvelle le problème des rapports entre rhétorique et philosophie.
Du séminaire PRIT est issu également le projet Syrianus (R. Webb, A. Lernould) : il s’agit d’une édition numérique et d’une traduction annotée des commentaires du philosophe et rhéteur Syrianus ( 5e siècle) au traité sur l’argumentation, Les États de cause d’Hermogène (2e siècle), en partenariat avec The Center for Digital Humanities et le Department of Classics de l’Université de Princeton, qui contribuent au financement d’un projet pilote. On se demandera à quel point les travaux de Syrianus représentent le point de contact entre philosophie et rhétorique ; la création de l’édition numérique sera une occasion de réfléchir sur la notion de commentaire et de son rapport au texte commenté.

Un autre ensemble de recherches portent sur la poésie et ses rapports avec l’argumentation, et par là, ses relations avec la philosophie.
Depuis deux ans, c’est sous cet angle qu’est abordée la tragédie dans un séminaire initié en 2016 et intitulé « Les Tragiques et les Présocratiques » (D. Francobandiera, C. Louguet). Initié en 2016, ce séminaire se propose d’aborder la question des rapports entre la philosophie présocratique et le théâtre tragique du Ve siècle av. J.-C. (éthique, anthropologie, cosmologie, langage). Nous faisons l'hypothèse que les œuvres des uns et des autres se répondent ou se nourrissent mutuellement, c'est-à-dire que les échos ou écarts ne sont pas simplement l'effet d'un "air du temps", mais traduisent des démarches interprétatives qui font sens. C'est ce dialogue entre tragédie et philosophie que nous tentons d'expliciter et d'évaluer en tenant compte d'un contexte large (d'Homère et Hésiode à Platon). Dans une perspective différente, nous lancerons un projet sur les polémiques autour du théâtre (A. de Cremoux, R. Webb) : nous y étudierons les arguments utilisés contre les productions théâtrales, mais aussi la manière dont ces arguments reflètent une vision de la force subversive du théâtre, avec ses modes de persuasion propres, et ainsi de la place qu’il occupe dans la société et la vie politique. Une première entrée dans ce projet passera par une étude des passages du discours Sur la Couronne de Démosthène relatifs au théâtre, lors d’un séminaire interne, avant un élargissement de la recherche dans le cadre d’un workshop international.
C’est également dans ce champ d’intérêt que se place notre projet émergent Paizein kai Gelan (« Le jeu et le rire ») : initié au printemps 2018, il consiste en une série de journées chaque année sur les outils et méthodes à employer dans l’analyse des effets comiques et du ludisme dans des textes de genres divers, principalement poétiques, en nous interrogeant en particulier sur le caractère argumentatif ou non du comique. Ces journées associent des études de textes théoriques antiques sur les notions relatives au rire, à des ateliers pratiques de textes analysés au prisme de ces notions : comédie, mais aussi autres genres (philosophie, drame satyrique, rhétorique, satire, etc.).

L’intérêt porté à la rhétorique et à ses modes argumentatifs, y compris dans leur relation à la poésie, sera également au centre d’un séminaire de lecture, dans la tradition de travail lilloise, qui portera sur des discours de Démosthène. On y examinera le fonctionnement intrinsèque du texte, ses rapports à la fois aux auditeurs et aux réalités et sa relation avec les textes poétiques (en particulier dramatiques, en relation avec le projet sur les polémiques autour du théâtre) et philosophiques de son époque, ainsi que sa réception antique grecque, y compris chez Hermogène et ses commentateurs, et latine et moderne.

Les échanges entre grec et latin, favorisés par l’arrivée d’une nouvelle collègue spécialiste de linguistique latine, P. Lecaudé, sont présents dans bon nombre de ces projets.  Les chercheurs de la thématique se joignent à ceux d’Halma dans/pour deux autres projets, l’un sur les spécificités de la traduction des langues anciennes qui vise à renouveler les pratiques pédagogigues grâce à une réflexion sur la transmission du sens, l’autre étant un nouveau projet international, Du latin au grec, qui examine les influences de la littérature et de la culture latines sur les productions grecques plus tardives.

Enfin, les chercheurs de la thématique 1 restent membres du réseau international CorHaLi, sur la poésie archaïque et classique et participeront à ses colloques tous les deux ans. Au sein de STL ils participeront aux projets du champ 3, notamment sur « Invention et pratiques : arts et littérature » et du champ 1.

Responsable : Claire Louguet

Si la métaphysique est une science, ce qui distingue cette science des autres disciplines théorétiques (physique ou mathématique) tient au fait qu’elle définit elle-même — en tant que philosophie première — son objet et sa possibilité (cf. Aristote, Met. Γ et Ε). De ce fait, toutes les critiques, réfutations et « destructions » des métaphysiques historiques, de l’Antiquité à l’époque contemporaine, qui mettent en cause ce prétendu « objet » et cette soi-disant possibilité, accomplissent rigoureusement le projet même de la philosophie première. Lorsque Kant veut substituer à l’orgueilleuse ontologie la connaissance des phénomènes et des objets de l’expérience, ou lorsque l’on tâche, de Nietzsche à Wittgenstein, de résoudre la métaphysique en un problème de grammaire ou un jeu de langage, on ne peut sans naïveté penser que ces critiques sont extérieures et étrangères à la métaphysique, qui s’en nourrit constamment à chacun des moments de son histoire. « Phénomènes » et « langage » sont donc considérés, dans le cadre de ces travaux, comme ce qui, de Platon à Proclus, d’Aristote à Alexandre d’Aphrodise, d’Averroès à Guillaume d’Ockham, ou de Kant à Husserl, sert indissolublement à critiquer et à construire la métaphysique.

Concernant la philosophie grecque classique et hellénistique, cette thématique poursuivra d'abord des travaux (lancés lors du quadriennal précédent) sur le Théétète de Platon, les critiques de la théorie des Idées chez Aristote (Peri ideôn), la Métaphysique d'Aristote et ses commentaires antiques, en particulier Alexandre d’Aphrodise (suites de l'ANR Didaskalos). La publication de traductions collectives de ces textes et d’études à leur sujet sont prévues. En outre, ces recherches seront prolongées en direction de l’Ancienne Académie, vers lesquelles convergent les recherches de plusieurs membres de la thématique (T. Bénatouïl, M. Crubellier). Outre l’achèvement d’une traduction commentée des livres M et N de la Métaphysique, où Aristote critique Platon et ses successeurs, seront menées des recherches sur Speusippe et Xénocrate remettant au cœur de la reconstruction de leur doctrine leurs philosophies de la connaissance, dont les fragments ont été négligés au profit de ceux de leurs doctrines des principes. Cette approche permettra de replacer l’Ancienne Académie dans le cadre plus large des débats sur l’articulation entre sensation, dialectique et métaphysique qui courent du Théétète au débat entre stoïcisme et Nouvelle Académie à l’époque hellénistique, mais aussi à l’époque impériale (avec Plutarque, Favorinus, Galien et Epictète).

Suite aux volets Ancien (2015-2016,) et Médiéval (2016-2017) — centrés notamment sur les figures d’Aristote et de Roger Bacon —, le projet ANR SÊMAINÔ se poursuivra avec un troisième volet (sous la direction de Claudio Majolino) concentré sur l’élaboration d’une phénoménologie des signes issue des réflexions sémiotiques et linguistiques propres à la tradition brentanienne et husserlienne. Il s’agira en particulier d’étudier les écarts entre intentionnalité signitive, perceptive et imaginaire et la structure catégoriale des signes linguistiques. La réflexion sur le langage, engagée dans le cadre du Projet SÊMAINÔ, aboutira pour ce qui est de la période ancienne à la publication (2019) d’un collectif sur Aristote et le langage. Leone Gazziero la prolongera en étudiant le rôle des commentaires latins aux Réfutations sophistiques dans l’évolution des théories médiévales de la signification. Au cours de la seconde moitié du XIIe siècle et tout au long du XIIIe et XIVe, la littérature apparentée aux Sophistici elenchi s’est en effet imposée comme l’un des corpus le plus riche de l’Aristotélisme latin. L’un des plus novateurs aussi, dans la mesure où cette littérature constitue l’un des lieux privilégiés où, d’une part, la logique terministe a pris son essor et, d’autre part, les métaphysiques médiévales ont calibré les liens entre ce qui est, ce qui est pensé et ce qui est signifié. L’étude de ce corpus, dont une très grande partie n’est ni éditée ni traduite, sera adossée à des demandes de financement, dont la première vient d’être déposée dans le cadre d’une collaboration internationale entre l’Université de Göteborg (Christina Thomsen Thörnqvist et Ana Maria Mora Marquez), l’UMR STL et l’Université de Genève (Laurent Cesalli).

Le Groupe de recherches Kantiennes entend poursuivre les travaux initiés il y a quelques années par Christian Berner, et en élargir la perspective, au-delà des travaux des doctorants sur le corpus kantien, aux débats contemporains sur le kantisme dans la philosophie allemande du XXe siècle (Cassirer, Heidegger, G. Krüger, E. Weil), examinant au plus près la question de la possibilité de la métaphysique. Le groupe de recherches associera donc désormais des historiens de la philosophie moderne, des phénoménologues, et des chercheurs travaillant au sein de l’Institut Eric Weil (dir. P. Canivez). Le groupe de recherches kantiennes sera donc coordonné avec le séminaire Platonismes et Phénoménologie, et proposera, en alternance, des exposés de doctorants, et des séances de travail autour de textes allemands (non traduits), en vue de constituer et de proposer aux lecteurs français une anthologie de lectures allemandes contemporaines de l’œuvre de Kant.

La première année (2017-2018) du séminaire Platonismes et Phénoménologies, coorganisé par Alain Lernould, Claudio Majolino a permis de procéder par coups de sonde et balayage thématique (sur la théorie des idées, et/ou sur des textes privilégiant souvent la perspective théorétique, comme par exemple le Sophiste de Platon). Les années à venir vont permettre de préciser et restreindre l’orientation thématique qui sera consacrée, en 2018-2020, à l’articulation de la « métaphysique » et de la philosophie pratique, en passant (1) de la question des Idées à celle de l’Idéal (du point de vue « éthico-théologique », ou « theologico-téléologique ») ; (2) à l’étude de l’arrière-plan philosophique antique de la phénoménologie du monde social (avec une attention particulière aux questions de l’introspection et de l’empathie, depuis le Gnothi seauton dans l’Alcibiade de Platon, les Confessions d’Augustin, aux Méditations Cartésiennes de Husserl, sans oublier l’apport de Max Scheler). Le séminaire alternant séances de travail et conférences invitées, viendra à l’appui d’une rédaction d’HDR (Claudio Majolino).

Responsable: Liesbeth De Mol

Plusieurs membres du champ, philosophes ou historiens des sciences, menaient déjà des recherches sur la cosmologie et les mathématiques antiques, médiévales ou modernes. Ces recherches jusqu'ici indépendantes vont s'associer entre elles pour s'intéresser aux formes de systématicités élaborées dans ces disciplines de l'Antiquité à Newton : leur genèse, leurs modèles et leurs langages.

Le séminaire Lille-Liège-Bruxelles (LilLiBru) Systématicités antiques (2013-2018) a permis de montrer l’intérêt d’étudier les modèles logiques, géométriques, harmoniques ou astronomiques pour comprendre la genèse et les formes que prend la systématicité philosophique dans l’Antiquité. Ces recherches seront poursuivies, en particulier par l’intermédiaire de plusieurs thèses de doctorat (sur l’articulation entre astronomie et philosophie première chez Aristote, ou sur les usages de la logique dans l’éthique stoïcienne).

À côté de la cosmologie et de l’astronomie antiques et modernes, l'ambitieux projet ANR récemment obtenu par Liesbeth de Mol, "Qu'est-ce qu'un programme informatique ?", pose également le problème de la systématicité et des langages dans le domaine informatique, mais aussi de l'articulation entre ces dimensions formelles des programmes et leurs autres dimensions, matérielles d'une part et socio-techniques d'autre part. A vrai dire, c'est surtout le manque de systématicité qui est au coeur des recherches autour de l'histoire et la philosophie de l'informatique. C'est-à-dire que de la diversité des pratiques de l'informatique, de multiples conflits d’intérêt (commerciaux et scientifiques) et de l'évolution rapide des technologies informatiques résulte un domaine assez incohérent et sans fondements systématiques. Ce thème, et plus particulièrement, l'aspect interdisciplinaire, est exploré au sein du séminaire Lille-Paris HEPIC (https://calcul.hypotheses.org/; responsables : L. De Mol, A. Naibo, M. Pégny). Ce thème sera renforcé autour des collaborations de L. De Mol avec certains membres de la DHST/DLMPST Commission HAPOC (G. Primiero, E. Daylight, E. Mori, T. Petricek, s. Martini) dont L. De Mol est présidente fondatrice.

C'est dans le développement historique des pratiques de programmation qu'on peut étudier aussi le rapport entre le développement des langages "formels" et des recherches sur les fondements des programmes informatiques. Le projet JCJC ANR "Qu'est-ce qu'un programme informatique", coordonnée par L. De Mol, vise à élaborer ce thème par lier le programme informatique comme objet formalisé avec les aspects socio-techniques et physiques des programmes informatiques. Dans le cadre du projet une équipe internationale a été constituée. Au niveau du labo, un doctorant et un postdoctorant seront recruté(e)s en 2018 et 2019. Le projet vise à développer une base de connaissances autour des programmes informatiques (système wiki) et sera finalisé avec un ouvrage collectif ainsi qu'une conférence internationale, organisée à Lille. Des collaborations sont prévues avec le labo UMR 9189 CRIStAL dont certains membres ont déjà été impliqués dans le séminaire HEPIC (Yann Secq, Pierre Bourhis, Mathieu Giraud).